Gedenkstätte Haus der Wannsee-Konferenz (Mémorial de la conférence de Wannsee)

Toujours dans l'idée de respecter le devoir de mémoire et de m'instruire sur une époque sombre de notre histoire, et encouragée à une telle excursion à vélo en périphérie de Berlin par le beau temps, je me suis rendue dimanche après-midi à Wannsee, à presque 20km de chez nous mais toujours dans Berlin, y visiter la villa où a lieu la conférence de Wannsee en 1942, qui décida de la solution finale, id est l'extermination des Juifs d'Europe.

Le Guide du routard, avec ses deux sacs à dos, parlait d'une expo saisissante. Il a raison. En outre, il n'avait pas prévu que dans le groupe de la visite guidée que j'ai suivie, il y aurait deux provocateurs ou allumés très actifs par des remarques ou questions à classer dans la catégorie... Négationnisme.

 Ce couple d'Anglophones n'est pas le duo d'affreux dont je parlerai !

Pour se rendre à la villa, il faut emprunter une rue côtière - Wannsee est un lac immense et magnifique aux allures de station balnéaire - bordée de clubs de voile, de yachts et d'aviron. Juste avant le restaurant "Sanssouci", nom dû à la proximité de Potsdam mais presque ironique ici, se situe cette belle demeure derrière un portail où il suffit de sonner pour entrer.

Y'a de quoi garer les vélos, des casiers à pièces où j'ai pu me débarrasser de mon casque, des toilettes bien propres, et donc, une expo passionnante à entrée libre avec une caisse de dons à l'entrée. J'y ai glissé une petite participation avant la visite guidée, celle-ci m'a confortée dans mon choix. Raconter comment on en est arrivé à l'Holocauste et comment celui-ci s'est passé est une mission indispensable.

Le jardin est très bien entretenu !

L'expo explique comment, depuis la République de Weimar et l'intégration des Juifs allemands sur fond rampant d'antisémitisme quand même, en passant par la défaite allemande lors de la première guerre mondiale, la prise du pouvoir par les Nazis et les lois raciales de Nuremberg deux ans plus tard, puis l'avancée de l'armée allemande en Europe et notamment à l'Est plus dense en Juifs, a bien fait cogiter Hitler et ses potes et leur a donné l'occasion de commencer à réaliser leur atroce fantasme, supprimer tout Juif de la planète Terre. Ce n'était pas prévu dès les années 20, non non, les choses se sont juste bien passées pour ces monstres qui ont opportunément mis en place des humiliations et premiers camps en Allemagne, créé des unités meurtrières dans les pays traversés par l'armée, encouragé les nationalistes locaux à tuer des Juifs, puis décidé d'une politique plus radicale encore en s'asseyant une heure et demi autour d'une table à Wannsee. Enfin, à cette conf n'étaient pas présents de ministres ou chancelier.

Dans le compte-rendu de la conférence, dont cette première copie a été retrouvée en 1947, on voit notamment un tableau de la population juive de différents pays, occupés ou non. Pour la France libre, on compte les colonies comme celles du Maghreb, les Nazis rêvaient de s'étendre loin. On y lit également qu'il faudra mettre en place des camps de travail où sans aucun doute, les travailleurs mouront pour beaucoup de causes naturelles.

Voilà, c'est pas joyeux, mais il me semble crucial de se souvenir de tout ça, d'apprendre à chaque visite douloureuse un peu plus sur une des plus grandes conneries, une des plus grandes horreurs commises par l'Homme. La guide était très douée.

Surtout qu'elle avait face à elle deux connards. Je refuse de châtier mon langage. Ils ont commencé par des questions et remarques étranges où nous tiquions déjà, et au bout de quelques pièces de l'expo, nous tirions la grimace et la guide aussi. Morceaux choisis (Dômeu m'a dit de ne pas tout mettre, il a raison). Pas sûr que les Allemands aient perdu la première guerre mondiale sur le terrain et que de riches financiers américains et juifs n'y soient pour rien. Le boycott des magasins juifs ? Acte de patriotisme car ceux-ci importaient des produits des Etats-Unis. Cette photo de charnier en Europe de l'Est ? Hmm, bizarre qu'on ne voit pas de corps (la guide a précisé l'existence d'autres clichés plus suggestifs, non mis dans l'expo pour ne pas trop choquer le visiteur). On a trouvé des bons de commande de Zyklon B ? Très bien, mais ça ne prouve pas son utilisation pour tuer des Juifs.

L'horreur. Ils ne ressemblaient pas à des Néonazis, comprendre : ils n'étaient pas barraqués avec un crâne rasé et des tatouages. Non, ils avaient l'allure normale de jeunes hommes éduqués. Et se sont offusqués quand la guide leur a demandé à la fin, épuisée, ce qu'ils faisaient là, s'ils étaient néonazis, du coup on ne saura jamais ce qu'ils cherchaient dans cette villa. Un théâtre pour leurs provocations ?

En tout cas, ça fait froid dans le dos. La guide n'avait jamais eu de tels visiteurs, Dieu soit loué ça ne court donc pas les rues. Les parents qui avaient emmené ici leur fille de onze ans lui ont appris bien plus qu'ils ne pensaient. Le bonus, c'était de découvrir que de tels lieux, de telles expos, de tels récits historiques appuyés par la recherche sont toujours extrêmement utiles. Parce qu'il existe encore des enfoirés s'amusant à les remettre en cause.

Une de mes collègues, dont des ancêtres ont été déportés, a peur de se rendre dans ce genre d'endroits et de rencontrer des négationnistes. Cela arrive extrêmement rarement, pas de bol pour moi. Mais moi, je ne suis pas personnellement attachée à cette histoire. Je suis enragée à l'idée que ces débiles puissent bouleverser des gens, en plus de modifier une partie de l'Histoire à ne jamais oublier.

Pour finir sur une note moins triste, voici Wannsee. Joli non ?

J'avais demandé à Dômeu, avant qu'il ne parte répéter avec son orchestre cet après-midi-là, si je risquais de rentrer déprimée. Je suis rentrée avec un grand besoin de parler de ce mémorial et de cette rencontre atterrante. La conclusion ? Hé les gens, il faut se battre pour la vérité et contre l'obscurantisme, nul ne sait où de tels Arschlöcher pourraient nous mener.