Jeudi 11 décembre au soir, le train de nuit Berlin-Paris est parti de notre belle capitale allemande pour la dernière fois jusqu'à nouvel ordre. J'ai eu la chance d'y monter. Il y avait une certaine agitation autour de ce départ un peu triste, avec des manifestants, des journalistes et des amoureux du train, dont l'intérêt pour le train de nuit rendait ma tristesse un peu plus facile à supporter. Faire ce reportage pour vous et Dômeu a aussi occupé mes pensées, alors même que je reste extrêmement déçue de savoir qu'à l'avenir il nous sera moins facile de limiter l'impact écologique de nos déplacements entre nos pays favoris.
Une page se tourne alors qu'on remballe ce train en papier utilisé pour un petit rassemblement au niveau 1 de la gare principale de Berlin. Dômeu m'avait dit où il avait lieu et j'ai surmonté ma flemme de remonter là après m'être d'abord assise sur le quai avec mon habituelle boisson chaude pas écolo dans son gobelet jetable tellement grand qu'on a bien dû abattre dix arbres pour le produire.
J'ai au passage donné l'info à une journaliste de Spree Radio, qui en plus de ne pas causer français ignorait qu'elle pouvait facilement choper des bruits de fond à peu près convaincants pour son reportage ! Elle aurait dû épouser un mec aussi connecté que le mien sur le sujet. Certes, elle ne peut pas employer une telle stratégie pour chaque nouveau thème de reportage.
Voici la madame au micro après qu'elle m'a interrogée, et dont je n'ai pas retrouvé l'émission.
Entre le niveau de la manifestation et les quais, un acrobate avait installé une pancarte unissant deux combats d'une asso, à savoir la défense du train de nuit (Nachtzug), et l'interdiction des vols de nuits (Nachtflug).
Sur le quai, j'ai été de nouveau interrogée, cette fois par un journaliste du tabloïde Berliner Kurier qui aura eu la délicatesse de me vieillir de vingt ans dans l'article où mon témoignage est apparu. J'aurais pu aller à l'école avec Carla Bruni ! Ou Bruno Le Maire si j'avais redoublé.
Bientôt, le train que j'attendais religieusement près du repère D comme Dômeu est arrivé.
Les manifestants nous ont dit au revoir et bon voyage pour ceux qui ne montaient pas à bord avec leurs prospectus. J'ai étrangement ressenti un pincement au coeur, avec des yeux presque mouillés en franchissant la haute marche de mon wagon. Je ne m'y attendais pas, même si le soir où Dômeu et moi avions appris la mauvaise nouvelle était déjà un peu tristounet.
J'ai heureusement vite rencontré des gens fort sympathiques et passionnants, comme le co-fondateur du site loco2.com de réservation de billets de train, dont le but est de rendre l'organisation de trajets ferroviaires en Europe aussi facile que celle de leurs équivalents par les airs. La jeune pousse n'a pas encore tous les pays européens dans sa besace, mais je suis très enthousiasmée par leur idée qui correspond à une question que je m'étais posée lors de la planification de mon voyage en Suède à l'automne : j'aurais adoré pouvoir comparer les offres aussi aisément qu'avec un comparateur de billets d'avions. Bonne route, loco2.com ! Dômeu aimerait en outre sans doute que vous lisiez l'article de mon voisin de compartiment sur le site de Greenpeace.
Parmi mes autres voisins, un grand blond allemand qui nous a raconté ses trajets en trains de nuit dans l'Est de l'Europe, et dans le compartiment d'à côté, une équipe d'Arte qui a produit une petite séquence sur le train de nuit. Le contrôleur que vous voyez ci-dessus nous a dit avoir adoré sa vingtaine d'année de service dans des trains de nuit, qui lui a notamment permis de beaucoup voyager. A lui aussi je souhaite bonne route, parce que j'espère qu'il retrouvera un grand épanouissement dans la suite de sa carrière, et bien sûr qu'il sera témoin d'un nouvel essor du train.
Dômeu, mettrons-nous de côté une bouteille de champagne de notre mariage pour fêter l'éventuel reprise du Nachtzug Berlin-Paris et de ses frères autre Nachtzüge de la DB ou ça serait vraiment exagéré ? Je veux dire, nos lecteurs n'ont ptêt pas encore remarqué notre obsession ferroviaire, quand nous ne parlons pas de bouffe.
Après une bonne nuit de sommeil, je suis sortie du train vers mes réjouissantes vacances, accueillie comme mes co-passagers par ce représentant du comité français de soutien au train de nuit Paris-Berlin. Il m'a expliqué que ses camarades n'avaient pas pu prendre leur journée à l'occasion, mais seraient là le soir-même lorsque le train repartirait une dernière fois vers Berlin.
Je ne peux maintenant que souhaiter que Dômeu et moi pourrons trouver des trajets qui nous donneront ce warm fuzzy feeling inside dont parle loco2 quand on voit ce qu'on a économisé. Rester chez soi est sans aucun doute la manière la plus écologique ou écologiste de vivre, mais nous ne nous y résoudrons sans doute pas encore, ou même pas de si tôt...
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